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 Abdou et l'arabe populaire (langue maternelle de certains)

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Azem




Nombre de messages : 113
Date d'inscription : 26/05/2010

Abdou et l'arabe populaire (langue maternelle de certains)  Empty
MessageSujet: Abdou et l'arabe populaire (langue maternelle de certains)    Abdou et l'arabe populaire (langue maternelle de certains)  Icon_minitimeMar Juin 22 2010, 22:16


Actuellement membre du comité scientifique international de Linguapax (Unesco) et maître de conférence à l’ENSET-Oran, Abdou Elimam est titulaire de deux doctorats dont l’un en linguistique. Né à Oran, il y vit et travaille. Il a publié à l’ANEP Le Maghribi, langue trois fois millénaire (1997) et à Dar El Gharb, Le Maghribi alias Ed-Darija (2003), Langues maternelles et citoyenneté (2004) et, récemment, L’Exception linguistique en didactique (2006). Ses travaux offrent une alternative maghrébine à la question des langues. Il a exercé à la Sorbonne, à l’université de Rouen, à l’Inalco (Paris), à l’Institut de culture populaire de Tlemcen et à Naplouse (Palestine). Il a collaboré avec de nombreux laboratoires internationaux de linguistique, rattachés à des universités ou des institutions comme la Commission européenne et l’Unesco.[list][*]

Abdou Elimam. Linguiste
De la Tour de Babel à la langue maternelle
Reconnu par ses pairs et par l’Unesco, ce chercheur affirme que le rejet de la langue maternelle par l’école est la cause de l’échec scolaire et la source profonde de la violence.




Vos ouvrages affirment que le maghribi, ou ce qu’on appelle « darija », reste notre langue d’ancrage. Sur quels instruments scientifiques vous basez-vous pour tirer des conclusions aussi catégoriques ?

Mes instruments scientifiques sont essentiellement l’histoire et les traces matérielles qu’elle nous lègue. Il y a, en premier lieu, les pierres qui conservent une sorte d’archives de nos mémoires et cette archéologie comprend une masse importante d’écrits en punique. Il y a, ensuite, les hommes qui, génération après génération, reproduisent dans une évolution toute relative, leurs langues. Or, chez nous, depuis un peu plus de deux millénaires, deux filiations linguistiques prévalent : celle du libyque qui se manifeste de nos jours sous les variantes du berbère et celle du punique qui se manifeste aujourd’hui sous les variantes du maghribi ou « darija ». Pour des raisons trop longues à développer ici, l’écriture de l’histoire a marginalisé la civilisation carthaginoise pour privilégier celle de Rome. Et nous sommes, bon gré mal gré, pris dans ce piège qui a toujours voulu opposer l’Occident à l’Orient. Pourtant, cette civilisation s’est bel et bien ancrée dans le Bassin méditerranéen, plus particulièrement. Rome n’a pu en venir à bout qu’après deux siècles de guerre et quelques trahisons. Rappelons que c’était le punique et non pas le berbère qui était la langue officielle du prince Massinissa. Le punique a évolué au contact des autres langues ; sa forme contemporaine est le maghribi. C’est aussi simple que ça !

Dans vos travaux, vous dites souvent que dès l’école, l’enfant, chez nous, entre en conflit avec la langue enseignée, car celui-ci est d’abord nourri à sa langue de naissance.
Ce ne sont pas mes travaux, mais notre réalité quotidienne qui le dit. Mise à part la fonction de « garderie », l’école algérienne fait illusion. On y apprend surtout à haïr sa langue, ce qui, dans la foulée, induit une haine de soi (le fameux sentiment d’auto-odi décrit par les sociolinguistes). Cette haine de soi ne se limite pas à l’égo, puisque l’enfant est amené à la déplacer. Contre la gent féminine de la famille, d’abord, avant de rejeter les valeurs portées par le père, ensuite. On a trop souvent accusé « l’islamisation de l’enseignement » de ces dérives. Or, celles-ci prennent racine bien en amont : dans le refus de la langue maternelle. C’est parce que l’enfant voit sa langue native minorée, voire ridiculisée, qu’il réagit, instinct de survie oblige, par la violence. Dès l’école, il se voit obligé de troquer sa langue native contre une construction savante qui survit essentiellement d’avoir pris l’Islam en otage. Le drame ne vient pas de la connaissance des langues. Non, le drame vient de la substitution de la langue de la maison par celle de l’école. La solution la plus sage aurait été de les avoir les deux, bien entendu. Un bilinguisme constructif repose toujours sur la langue maternelle.
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Azem




Nombre de messages : 113
Date d'inscription : 26/05/2010

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MessageSujet: Re: Abdou et l'arabe populaire (langue maternelle de certains)    Abdou et l'arabe populaire (langue maternelle de certains)  Icon_minitimeMar Juin 22 2010, 22:20

Azem a écrit:

Actuellement membre du comité scientifique international de Linguapax (Unesco) et maître de conférence à l’ENSET-Oran, Abdou Elimam est titulaire de deux doctorats dont l’un en linguistique. Né à Oran, il y vit et travaille. Il a publié à l’ANEP Le Maghribi, langue trois fois millénaire (1997) et à Dar El Gharb, Le Maghribi alias Ed-Darija (2003), Langues maternelles et citoyenneté (2004) et, récemment, L’Exception linguistique en didactique (2006). Ses travaux offrent une alternative maghrébine à la question des langues. Il a exercé à la Sorbonne, à l’université de Rouen, à l’Inalco (Paris), à l’Institut de culture populaire de Tlemcen et à Naplouse (Palestine). Il a collaboré avec de nombreux laboratoires internationaux de linguistique, rattachés à des universités ou des institutions comme la Commission européenne et l’Unesco.[list][*]

Abdou Elimam. Linguiste
De la Tour de Babel à la langue maternelle
Reconnu par ses pairs et par l’Unesco, ce chercheur affirme que le rejet de la langue maternelle par l’école est la cause de l’échec scolaire et la source profonde de la violence.




Vos ouvrages affirment que le maghribi, ou ce qu’on appelle « darija », reste notre langue d’ancrage. Sur quels instruments scientifiques vous basez-vous pour tirer des conclusions aussi catégoriques ?

Mes instruments scientifiques sont essentiellement l’histoire et les traces matérielles qu’elle nous lègue. Il y a, en premier lieu, les pierres qui conservent une sorte d’archives de nos mémoires et cette archéologie comprend une masse importante d’écrits en punique. Il y a, ensuite, les hommes qui, génération après génération, reproduisent dans une évolution toute relative, leurs langues. Or, chez nous, depuis un peu plus de deux millénaires, deux filiations linguistiques prévalent : celle du libyque qui se manifeste de nos jours sous les variantes du berbère et celle du punique qui se manifeste aujourd’hui sous les variantes du maghribi ou « darija ». Pour des raisons trop longues à développer ici, l’écriture de l’histoire a marginalisé la civilisation carthaginoise pour privilégier celle de Rome. Et nous sommes, bon gré mal gré, pris dans ce piège qui a toujours voulu opposer l’Occident à l’Orient. Pourtant, cette civilisation s’est bel et bien ancrée dans le Bassin méditerranéen, plus particulièrement. Rome n’a pu en venir à bout qu’après deux siècles de guerre et quelques trahisons. Rappelons que c’était le punique et non pas le berbère qui était la langue officielle du prince Massinissa. Le punique a évolué au contact des autres langues ; sa forme contemporaine est le maghribi. C’est aussi simple que ça !

Dans vos travaux, vous dites souvent que dès l’école, l’enfant, chez nous, entre en conflit avec la langue enseignée, car celui-ci est d’abord nourri à sa langue de naissance.
Ce ne sont pas mes travaux, mais notre réalité quotidienne qui le dit. Mise à part la fonction de « garderie », l’école algérienne fait illusion. On y apprend surtout à haïr sa langue, ce qui, dans la foulée, induit une haine de soi (le fameux sentiment d’auto-odi décrit par les sociolinguistes). Cette haine de soi ne se limite pas à l’égo, puisque l’enfant est amené à la déplacer. Contre la gent féminine de la famille, d’abord, avant de rejeter les valeurs portées par le père, ensuite. On a trop souvent accusé « l’islamisation de l’enseignement » de ces dérives. Or, celles-ci prennent racine bien en amont : dans le refus de la langue maternelle. C’est parce que l’enfant voit sa langue native minorée, voire ridiculisée, qu’il réagit, instinct de survie oblige, par la violence. Dès l’école, il se voit obligé de troquer sa langue native contre une construction savante qui survit essentiellement d’avoir pris l’Islam en otage. Le drame ne vient pas de la connaissance des langues. Non, le drame vient de la substitution de la langue de la maison par celle de l’école. La solution la plus sage aurait été de les avoir les deux, bien entendu. Un bilinguisme constructif repose toujours sur la langue maternelle.

Ce ne sont pas mes travaux, mais notre réalité quotidienne qui le dit. Mise à part la fonction de « garderie », l’école algérienne fait illusion. On y apprend surtout à haïr sa langue, ce qui, dans la foulée, induit une haine de soi (le fameux sentiment d’auto-odi décrit par les sociolinguistes). Cette haine de soi ne se limite pas à l’égo, puisque l’enfant est amené à la déplacer. Contre la gent féminine de la famille, d’abord, avant de rejeter les valeurs portées par le père, ensuite. On a trop souvent accusé « l’islamisation de l’enseignement » de ces dérives. Or, celles-ci prennent racine bien en amont : dans le refus de la langue maternelle. C’est parce que l’enfant voit sa langue native minorée, voire ridiculisée, qu’il réagit, instinct de survie oblige, par la violence. Dès l’école, il se voit obligé de troquer sa langue native contre une construction savante qui survit essentiellement d’avoir pris l’Islam en otage. Le drame ne vient pas de la connaissance des langues. Non, le drame vient de la substitution de la langue de la maison par celle de l’école. La solution la plus sage aurait été de les avoir les deux, bien entendu. Un bilinguisme constructif repose toujours sur la langue maternelle.
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