Le drapeau national est bafoué par les descendants de ceux qui l’ont abreuvé de leur sang.
En l’espace de quelques semaines, le drapeau national a subi l’inimaginable en Algérie. Il a été souillé par les descendants de ceux qui l’ont abreuvé de leur propre sang. Le ton de la honte a été donné à Annaba. Des émeutiers de la cité Sidi Salem, ont brûlé l’emblème national. Pis, ils ont brandi le drapeau de la France. Celui sous lequel la nuit coloniale a duré 132 ans. La misère sociale ne peut justifier cet acte. Le fait est très grave. Et il prend des proportions alarmantes.
Lundi dernier, Dar El Imam à Alger a été le théâtre d’un indicent qui donne froid dans le dos. Un nombre important d’imams présents à un colloque organisé par le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs ont refusé de se lever pour saluer l’emblème des sacrifices consentis pour l’Indépendance de l’Algérie. En mal de fatwa, ces clercs de l’inquisition verte ont mis l’hymne national au registre de la bidaâ. Rien que cela! De tels actes représentent un danger réel pour le pays. Ils portent atteinte aux symboles de la nation.
Aussi, ils remettent en cause jusqu’aux fondements de l’Etat, a commencer par la Constitution. Le dernier amendement du texte fondamental condamne toute atteinte aux symboles du pays. Lesquels symboles ont été forgés par une lutte sans merci pour l’Indépendance. Là se décline l’atteinte aux principes fondamentaux de la Révolution algérienne. Ces actes portent également atteinte à l’une des constituantes de l’identité nationale. Il faut le crier haut et fort: personne n’a le droit de toucher au drapeau national. Il est le bien de tout un peuple. Seulement, il appartient à l’Etat de protéger les symboles de la nation.
Et cet Etat est représenté par ses ministres. Alors, qu’attend Bouabdallah Ghlamallah, ministre des Affaires religieuses et des Wakfs pour faire respecter les lois de la République par des imams réfractaires? D’autant que leurs mensualités sont assurées par l’Etat. Au lieu de prendre les mesures qui s’imposent, le ministre s’est contenté de condamner l’acte et de faire sortir ses auteurs des lieux où se tenait le colloque. Les lois existent et il faut les appliquer M. le ministre. Et c’est au nom de ces mêmes lois que l’avenir de quatre lycéens a été sacrifié. Les faits remontent au mois de janvier de l’année dernière. Des élèves du lycée Okba Ben Nafaâ avaient brandi le drapeau français dans l’enceinte de l’établissement. La réaction de l’administration ne s’est pas fait attendre. Les quatre élèves ont été tout bonnement exclus. Les choses ne sont pas restées à ce stade. Boubekeur Benbouzid, ministre de l’Education nationale, avait menacé de les poursuivre en justice. Alors, pourquoi ce deux poids, deux mesures?
La loi est au-dessus de tous. Et elle doit être appliquée dans toute sa vigueur. Surtout quand il s’agit de préserver les symboles de la nation.
Liberte 1 juillet
Chronique (Jeudi 01 Juillet 2010)
Compromis islamo-conservateurs et symboles de la République
Par : Mustapha Hammouche
En présence d’un ministre, des imams ont refusé de se lever à l’entonnement de l’hymne national.
Le membre du gouvernement a juste eu le loisir de s’en offusquer et d’épiloguer sur la compatibilité du patriotisme et de la piété. Mais le mal — du point de vue de la république, mais qui se soucie de la république ? — est fait.
En théorie, depuis la révision constitutionnelle pour le troisième mandat, “l’État garantit le respect des symboles de la révolution (article 62)” que sont l’emblème et l’hymne nationaux, “symboles de la révolution, devenus symboles de la république (article 6)”. Mais le troisième mandat établi, le gouvernement et la représentation nationale ont oublié de traduire cette résolution en termes juridiques. Il ne s’agissait que d’une démarche de vente concomitante qui mêlait, dans un même packaging, l’enterrement du principe d’alternance au pouvoir, la défense des symboles de la révolution et la promotion politique de la femme. Les imams qui, en situation solennelle, ont fait montre d’irrespect envers l’hymne national, ont été conséquents avec leur idéologie. Celle-ci les oblige envers le seul dogme religieux authentifié par leur doctrine et les libère de toute contrainte dont le fondement serait de nature séculière.
Le pouvoir, dans sa recherche éperdue de compromis, mais aussi parce qu’il prétend lui-même à la légitimité religieuse, sait très bien qu’il renonce lui-même aux fondements républicains de son autorité.
En cherchant à s’attirer les bonnes grâces des forces politiques à bases religieuses les plus radicales et les plus belliqueuses, le régime a favorisé le fidèle au détriment du citoyen. Aujourd’hui, l’argument religieux s’impose de manière bien plus incontestable que l’argument juridique, y compris dans les commissariats et devant les tribunaux ! Socialement et administrativement, il est devenu bien plus infamant de prendre une bière que de détourner de l’argent du trésor public.
La religion n’est plus seulement une référence individuelle et sociale, elle est une grille : la grille unique mais reformulée par qui veut bien s’ériger en exégète professionnel ou de circonstance. La démission de l’État de ses responsabilités envers la république à des fins d’accommodement avec un islamisme conquérant constitue la première raison de la vulnérabilité actuelle des “symboles de la révolution devenus symboles de la république”.
Quand un parti qu’on ne peut soupçonner d’antinationalisme hisse un drapeau noir pour les besoins d’un message précis et circonstancié, on s’émeut de la violence faite à l’emblème de la république jusqu’à monter une expédition punitive contre son siège ; quand des intégristes se moquent, par une ostentatoire attitude, du respect dû à l’hymne national, l’État mesure en silence l’étendue de son impuissance. À peine l’idée d’un conseil de discipline interne au milieu qui est à l’origine de l’acte incivil !
Et c’est le ministre, Ghlamallah, qui fait remarquer à l’adresse de ses imams… fonctionnaires méprisant l’hymne national, que “ce genre de comportement, s’il venait à perdurer nous renverrait dans les années 1990”. Mais nous y sommes, les années 1990, Monsieur le ministre ! Sauf qu’alors, l’État n’était pas du même côté qu’aujourd’hui.