22 joueurs et 100 millions de débiles
Brûler, détruire des biens publics ou massacrer des personnes pour un match fut-il important pour ce prestige qui nous manque tant relèvent non pas de l'amour du pays mais de la désintégration totale des fonctions cognitives de nos enfants. Il est difficile de comprendre les raisons de cette malédiction qui fait de nous les parangons du nihilisme, les alchimistes impénitents de l'épouvante, les portes drapeaux de la couardise et les champions es-qualités de la suffisance exaltée. Tout comme il est impossible d'entrevoir dans cette atmosphère si lourde, si opaque, si oppressante, le moindre frémissement d'une volonté de devoir apprendre ou réapprendre les rudiments de la civilité. L'Algérie d'aujourd'hui est une épave échouée dans une mer oubliée.
L'algérien d'aujourd'hui est un zombie qui a les attributs physiques d'un bipède mais pas la conscience d'un être humain. Il est prompt, au moindre bouton actionné par les marionnettistes de l'ombre, à décréter les insanités les plus infâmes et à les porter, le sourire de l'ignorant aidant, au firmament des vérités révélées. Il est incapable, de par sa structure mental, de se projeter dans l'idée même de la relativité des choses. C'est quoi un match comparé à l'outil de production ou à la sécurité des biens et des personnes? Empêtré dans son entièreté toute bestiale, l'algérien beugle au lieu de communiquer, il va à l'instinct au lieu de réfléchir, il est furibond à la moindre anicroche. Nous en arrivons à la question de dialectique par excellence: Est-ce l'Algérie qui a produit ce monstre retors ou l'inverse? La réponse n'est pas facile car l'Algérie n'est pas simplement un espace géographique inanimé. C'est aussi le cadre dans lequel l'État par l'entremise de ses institutions est supposé organiser la vie de ses citoyens et les porter vers un idéal commun. Sans vouloir égrener la litanie maintes fois réchauffée des inconséquences de ce système et de ses turpitudes, force est de constater que l'Algérien, à sa décharge, n'a eu comme représentants que la lie des hommes et femmes politiques de ce monde tous continents confondus. Inversement, aucun système politique, aussi éclairé soit-il, ne peut arriver à créer les conditions minimales d'un renouveau social avec des hommes et des femmes dans leur grande majorité inaptes à intégrer le statut de citoyen.
Mes propos peuvent paraître blessants et ils le seraient à moins que cela. Mais si cela peut consoler les amateurs de la dégaine qui fait florès dans ce forum depuis que Mr Benchicou leur a ouvert les portes de l'arène, je m'y inscris volontiers dans cette généalogie du malheur. Ceci étant dit, il me semble qu'un peuple ne se définit, ultimement, ni par son équipe nationale, ni par son extraction originelle, ni par son histoire, ni par ses richesses naturelles ou financières mais bien par le niveau de maturité qu'il aura atteint à travers les générations. La dernière étant toujours supposée être supérieure aux précédentes.
Les sujets de Bouteflika et ceux de Moubarak ont au moins une chose en commun. Ils finiront bien un jour par rejoindre le monde des momies, vivantes cette fois-ci. Les égyptiens ont une longueur d'avance sur nous mais nous pouvons bien les surprendre. Il nous faut une chanson pour enflammer la liesse populaire. La presse s'occupera des tambours.
Larbi Chelabi
-LE MATIN-